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Aux fous !

Buveur, mangeur, cuisineur, voyageur, randonneur, jardineur, peinturlureur, champignonneur, pêcheur. À mes heures ... 

Je partage ici mes coups de cœur et mes découvertes avec d'autres Fous de vin que j'invite à répondre à mon petit questionnaire. 

Prenez contact.

Alain Fourgeot. 

PS. L'abus d'alcool est dangereux, à consommer avec modération. 

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Publié par Alain Fourgeot

VdV#56. Placé sous la présidence de Jef Heering (que j'invite, au passage, à répondre au questionnaire des Fous de vin), le blogueur de Balthazar Magnum, les Vendredi du Vin #56 ont pour thème l'Arche de Noë des cépages rares et oubliés... Et le genouillet, cépage du berry, en est un... Voici donc ma contribution.

Genouillet.jpgPrimo, si vous le cherchez dans le Dictionnaire des cépages de Pierre Gallet vous trouverez cette définition : « Cépage de cuve noir de l’Indre, qui serait le biturica  cité par Columelle *, dont les vins étaient appréciés de Jules César.» Il est vrai qu’il a traîné dans le coin, le Jules, souvenez-vous d’Avaricum et de sa débâcle dans les marais, au pied de la butte sur laquelle fut construite, bien plus tard, la cathédrale Saint-Étienne de Bourges… 

Secundo, il tiendrait son nom de la forme de son pied, de son cep, tordu, noueux comme une articulation… Pourquoi pas ?

Tertio, toujours selon Gallet, « il faisait jadis le fond d’encépagement des vignobles d’Issoudun, de La Châtre, dans l’Indre, et de Châteaumeillant, dans le Cher et les vins de ces vignobles étaient considérés  comme les meilleurs du Berry ».

Dans son livre, Issoudun la vigneronne, aléas d’un grand vignoble disparu…, Paul Dufour, qui fut l’un des membres éminents de la Société vigneronne d’Issoudun et à l’origine du sauvetage du genouillet, comme nous le verrons plus tard, donne quelques précisions sur l’encépagement de la région d’Issoudun vers 1860. Quelques extraits :

-      « Le genouillet, que l’on appelait aussi le genoilleret était présent à 80% voire même 90% ; on l’appelle encore dans la littérature viticole le petit genouillet, petit guilleret, petit moret. (…)

-      Le docteur  Guyot a cru reconnaître en lui la mondeuse de Savoie (…) et précise que c’est un cépage tardif. Il débourre tardivement, il est très vigoureux, très rustique, très fertile.

-      Il donne un vin acide, dur, astringent au début, peu alcoolique, suffisamment coloré, prenant de la qualité en vieillissant.

-      Il semble bien que ce qui a fait la reconommée du vin d’Issoudun, donc du vin de genouillet (…) soit ses qualités de conservation et son aptitude à résister au voyage, ce qui n’était pas le cas de la majorité des autres vins produits à cette époque.»

Livre-Dufour.JPGPaul Dufour, cite par ailleurs de nombreux acteurs locaux de l’époque. L’un précise que « la qualité importante de ce vin est d’être capable de se garder pendant quinze ans, vingt et plus, tout en conservant sa valeur de vinosité .» Un  autre, le docteur Jugand, ancien maire d’Issoudun : « Oh ! les vins de notre pays sont parfaits, à condition de les oublier quelques temps dans la cave.» Enfin, un dernier, pour la route :« Le genouillet nous donne un vin généralement un peu vert, saturé d’acide tanique qui lui imprime un cachet spécial et lui assure une puissance de conservation remarquable.(…) Notre vin est un de ces vins qui ne s’imposent pas, mais qui savent se faire aimer…»

Des propos a resituer dans le contexte historique …

Et puis, arrive le phylloxéra… Qui ne détruit pas toutes les vignes de genouilet mais presque, il n’occupe plus que 2.500 à 3.000 hectares. On l’abandonne pour d’autres cépages plus résistants. « Après la crise, sa culture s’est restreinte et ne reprend son ancienne implantation que dans le rayon d’Issoudun» précise Paul Dufour Au fil des ans, le fameux cépage du Berry tombe en désuétude, est abandonné, délaissé. Il n’en reste que quelques pieds perdus au milieu de vignes abandonnées quand une poignée de passionnés décident de le sauver. 

 Parmi eux, notre Paul Dufour. Nous sommes dans les années 1980. La découverte des derniers pieds de genouillet  est une bénédiction pour tous ceux qui se passionnent pour les cépages disparus. Paul Dufour appelle à la rescousse Pierre Gallet, cité plus haut, qui fait le voyage en Berry, analyse les ceps, décide de tenter une greffe. Une douzaine de pieds sont transférés à l’Union pour la préservation et la valorisation des ressources génétiques du Berry (URGB) de Tranzault, dans l’Indre, présidée par Jacques Aubourg. Avec le soutien de l’INAO et du Sicavac, le laboratoire d’analyses des vins du Centre-Loire, installé à Sancerre. On procéde à la greffe de cent cinquante pieds de genouillet qui sont ensuite comparés à autant de pieds de gamay puis plantés, en 2005, chez des vignerons volontaires, acceptant d’immobiliser une de leurs parcelles : Maryline et Jean-Jacques Smith, Domaine de Villalin à Quincy (photo du bas). Rien de bien surprenant de leur part, les Smith sont des mainteneurs de tradition, très attachés à leur terroir, aux traditions du Berry, ils ont participer à la sauvegarde des ânes de la race grand noir du Berry, lui joue de la cornemuse et vielle comme personne. « L’expérience nous a passionnés et nous sommes heureux d’avoir participé à la sauvegarde d’un cépage typpiquement berrichon», commentent-ils aujourd’hui. 

Sauvé, c’est le mot. En 2005, un demi-hectare est planté de cent cinquante pieds de gamay surgreffés et la première récolte a lieu en 2012. Entre temps, en 2011, le genouillet est à nouveau autorisé et officiellement inscrit auCatalogue des variétés de la vigne.

« Le genouillet est un cépage pissant qu’il faut maîtriser, six grappes par pied, pas plus, si l’on veut avoir un jus intéressant », ajoutent les Smith en ouvrant une bouteille de 2012, sur le salon des vins de Loire d’Angers où ils ont apporté quelques bouteilles. Voilà un rouge gouleyant, presque de régalade, plein de fruits rouges, sur le bourgeon de cassis, légèrement astringent, un brin épicé, proche d’un gamay.

L’avenir ? Pour le prochain millésime, la récolte sera normalement doublée. Et ainsi de suite… Dans les années à venir, on pourra donc généreusement déguster le genouillet, classé en vin de table, en dehors de l’appellation Quincy qui n’autorise que le sauvignon. Et on a hâte de s’y mettre, à table… quand on déguste du genouillet…

Villalingenouillet.jpg

 *Lucius Iunius Moderatus Columella dit Columelle, agronome romain du premier siècle. 

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M
<br /> Comment ? Des Smith dans le Berry ? <br />
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