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Aux fous !

Buveur, mangeur, cuisineur, voyageur, randonneur, jardineur, peinturlureur, champignonneur, pêcheur. À mes heures ... 

Je partage ici mes coups de cœur et mes découvertes avec d'autres Fous de vin que j'invite à répondre à mon petit questionnaire. 

Prenez contact.

Alain Fourgeot. 

PS. L'abus d'alcool est dangereux, à consommer avec modération. 

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Publié par Alain Fourgeot

Au Domaine de la Romanée-Conti, les petites lampées deviennent vraiment très grandes !

VOSNE-ROMANÉE. Il aura fallu attendre d'être blanchi sous le harnais pour réaliser un très vieux rêve : participer à une visite/dégustation au Domaine de la Romanée-Conti ... J'avais failli il y a deux ans. Cette fois, je dois ce privilège à une relation de très longue date, Jean-Marc Collin, caviste berruyer à l'enseigne de Aux Cépages de France. Merci. 

- Du haut d'un petit muret, le vignoble de Romanée Saint-Vivant. Au loin, cherchez bien, la croix de La Romanée-Conti.

- Du haut d'un petit muret, le vignoble de Romanée Saint-Vivant. Au loin, cherchez bien, la croix de La Romanée-Conti.

Un jeudi, sous un soleil radieux, nous voici donc en train de franchir les grilles de cette jolie demeure bourguignonne en pierre, au pied de l'église du village de Vosne-Romanée. Rien d'ostentatoire, ici. Une cour carrée plantée en son centre d'un tilleul. Le fameux Ange au pied de vigne de Boris Lejeune, sculpture posée en 2010 devant le petit muret du haut duquel on domine les vignes de Romanée-Saint-Vivant et, au-delà, minuscule mais reconnaissable entre toutes, la fameuse croix en pierre plantée devant la parcelle légèrement en pente de la RC. Probablement le calvaire le plus photographié au monde !

Et voici notre guide... Comme la mer prend l'homme, la Romanée Conti a pris Bernard Noblet* il y a quarante ans. En 1978. Il en est la mémoire vivante. Il porte un panier en osier rempli de verres et invite les six privilégiés du jour à le suivre  jusqu'au chai pour une dégustation du millésime 2016 de six crus du domaine. Trois salles voûtées, taillées dans la roche, abritent quelque deux cents quatre-vingt fûts neufs, ils sont changés tous les ans, brillants, cirés autour de la bonde et légèrement inclinés. « Pour que les lies soient devant, quand on va lever les tonneaux, elles vont moins bouger, c'est mieux » explique Bernard Noblet. 

Qui soutire à l'aide de sa grande pipette en verre un peu de jus d'un fût contenant le corton du domaine. Premier vin. « C'est un assemblage de trois parcelles que nous avons en fermage, explique notre guide : les Bressandes, les Renards et le Clos du Roy. Le vin est en pleine malo en ce moment. Il s'agit d'une vendange entière avec la rafle, quoi ! »  Les jus reposent en fûts depuis neuf mois seulement mais, au nez comme en bouche, rien à voir avec certains jus de Pinocchio que l'on trouve trop souvent avec des pinots noirs élevés sur bois. Une raison ? « Nous recherchons des bois très fins, raconte Bernard Noblet, nous sommes très exigeants sur la qualité des merrains, ce sont des chênes français, provenant des plus grandes forêts dont celle de Tronçais, qui ont au minium deux cents ans. Le bois sèche à l'air libre longtemps, ça permet d'évacuer les mauvais tanins et nous optons pour une chauffe très légère, ce qui donne des vins évidemment peu toastés. Nous voulons que ce soit le vin qui s'exprime avant tout, le terroir, il faut que l'élevage soit à leur service. » Le vin ? Nez floral, épicé, bouche toute en finesse, déjà souple, pleine, allonge causante... « Bon début » lance mon voisin qui a encore du vin au fond de son verre, lui ...

- Bernard Noblet et sa pipette dans le chai aux fûts inclinés dans lesquels attend le millésime 2016.

- Bernard Noblet et sa pipette dans le chai aux fûts inclinés dans lesquels attend le millésime 2016.

Les aspérités sont légèrement plus marquées pour le second vin. Échezeaux ... Un nez très vineux, explosif mais tout en finesse.  Là encore des notes florales et un milieu de bouche plein de fruits rouges. Des notes un peu fumées apparaissent dans le troisième cru dégusté. Grand Échezeaux. On respire !  Là encore des fruits rouges très mûrs, de notes de fleurs des bois, la bouche est ample et caressante, quelques légères aspérités au milieu. Ces trois vins ont comme point commun d'offrir un plaisir immédiat ... « Nous sommes en biodynamie depuis 2008, commente Bernard Noblet, on sait aujourd'hui qu'il y a un gain de maturité avec cette façon de cultiver la vigne, un meilleur équilibre et, pour nous, la biodynamie a été une étape supplémentaire qui nous a permis de gravir un cran de plus dans l'émotionnel » Du soufre ? Oui, un stict minimum... 

Quatrième fût. Romanée Saint-Vivant. Finesse et élégance. Proche d'Échezeaux, nez un peu identique en plus "nature". Bouche riche, un peu pierreuse, vin très droit, finale de caractère. Pour suivre, Richebourg, sur un nez très puissant de fruits rouges, légères aspérités en milieu de bouche, un fond séveux, une ampleur chaotique, une allonge qui laisse rêveur. « Un vin musclé mais séducteur » commente Bernard Noblet, le sourire amusé.

Et voici les deux derniers crus, les deux monopoles de la RC. Émotion ! D'abord La Tâche. Un nez fleuri, une puissance énorme, du raisin frais, une incroyable complexité, je laisse longtemps le nez scotché sur le verre (trop) rapidement ... vidé ! « C'est un vin carré, tendu, anguleux,  une expression monstrueuse du cépage. Imposant comme un gratte ciel »... C'est du Bernard Noblet. Et puis, enfin, la Romanée-Conti. On n'a pas respecté une minute de silence, mais presque. On s'est regardés dans les yeux... Au nez comme en bouche, il s'impose moins que La Tâche mais séduit par une élégance hors norme. Le maître de chai en cause : « La Romanée-Conti, c'est un peu comme une femme qu'il faut mériter, elle est sensuelle, ce n'est pas une grande bavarde, moins que La Tâche, ce n'est pas un vin pour gens pressés, c'est un vin de préliminaires, un vin de dentelle, avec elle on peut confondre le jour et la nuit »... Tout est dit. 

- La Tâche et la RC dans le millésime 2015 ... Les étiquettes ne seront posées qu'au moment de la mise en vente.

- La Tâche et la RC dans le millésime 2015 ... Les étiquettes ne seront posées qu'au moment de la mise en vente.

Dehors, la lumière est devenue violente quand midi sonne au clocher ... Le verre sous le nez, à la recherche d'éphémères arômes, nous repartons dans une autre maison du village. Dernière étape dans la cave où sont stockés les vieux millésimes. Dont un 1911 unique, conservé derrière une petite porte en fer, en compagnie de quelques millésimes mythiques. Nous passons devant les 13 et les 15 des années 2000... Un rêve éveillé ! Les flacons sont nus, les étiquettes seront collées au dernier moment pour qu'elles ne soient pas abîmées par l'humidité. Dans la salle du fond,  Bernard Noblet a posé sur le foudre qui sert de table trois bouteilles... sans étiquette. « A vous de retrouver ce que vous buvez et le millésime ... » lance-t-il, l'œil malicieux. Mais c'est bien sûr !

D'abord un rouge vineux, au nez extravagant, sur des notes de confiture de vieux garçon, de tabac, de fumé, des pointes végétales et une bouche qui conjugue le gras, le volume et la douceur. « Pas un très grand millésime, mais une joli vin, sur une bouche riche » poursuit Bernard Noblet. 2008 ? La Tâche ...  Seconde bouteille. « Un  millésime exceptionnel, très solaire, une belle récolte » précise notre guide. La bouche est remarquable de finesse, vineuse, plein de fruits avec un  côté terreux et épicé, des notes de sous-bois et des tannins doux qui cachent un peu le fruit. « C'est un millésime qui évolue très lentement, mais il a beaucoup d'élégance, c'est un vin de grande race »., ajoute Bernard Noblet. Alors ? La Tâche 1990... Pour le trouver, encore eût-il fallu en boire un jour...

Blanc sur rouge, rien ne bouge ... Même ici, c'est la règle. On termine donc par un blanc au nez d'une incroyable richesse, des notes un peu évoluées, avec un coté beurré et brioché, que l'on retrouve en bouche avec un énorme volume, sur des arômes de bonbons au miel d'acacia, de caramel salé, de fleurs d'amande. Une ampleur incroyable et une finale longue comme une éternité... Une année chaude ? Risquons 2003 ? Oui.  Et ?  Le bâtard-montrachet.  L'un des cinq grands crus blancs de la Côte de Beaune, cuvée de quelques centaines de bouteilles non commercialisées. Un vin d'anthologie. Comme cette matinée ...   

Les petites lampées reviennent bientôt... 

- * MISE À JOUR. 15/01/2018. La page Noblet se tourne au Domaine avec le départ à la retraite, fin janvier, Bernard Noblet qui avait pris, en1986, la succession de son père André au poste de chef de cave... André Noblet avait occupé, de 1946 à 1985, la double fonction de chef de cave et de chef de culture. « Une page importante se tourne en effet, mais la philosophie du domaine va rester, explique Aubert de Vilaine, le co-gérant de la RC. Dans des domaines comme les nôtres, nous avons la chance de ne pas avoir de ces winemakers à l'américaine qui règnent sur les cuveries. En Bourgogne, tout part des décisions prises à la vigne, qui commandent beaucoup de choses ensuite en vinification et en élevage. Au Domaine, Bernard Noblet était chef de cave avec un rôle essentiel, comme Nicolas Jacob, chef de culture depuis 2007, mais toutes les décisions importantes étaient prises de façon collégiale entre nous. On ne sépare pas la vigne et le vin ! » Bernard Noblet sera remplacé par Alexandre Bernier, trente-sept ans, diplômé d'un BTS viticulture et oenologie, qui travaillait déjà à ses côtés au Domaine de la Romanée-Conti depuis huit ans. Alexandre Bernier avait travaillé auparavant au Domaine Chanson Père et fils

- Les trois  flacons ouverts à la fin de la visite : deux La Tâche, 2008 et 1990, et un bâtard-montrachet 2003...

- Les trois flacons ouverts à la fin de la visite : deux La Tâche, 2008 et 1990, et un bâtard-montrachet 2003...

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