Lamothe-Bergeron au Baudelaire ou les petites lampées d'un médocain en Burgundy ...
PARIS. « Il faut toujours être ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous .» C'est du Baudelaire...
Enivrons nous donc, modérément, de vin et de poésie gastronomique, au restaurant de l'hôtel Le Burgundy, qui porte le nom de l'auteur du Spleen à Paris. Une étoile au Guide Rouge. Un sublime décor, lumineux, un brin japonisant. Un immense miroir dans la grande salle à manger où trône une énorme table ovale. Un menu terrien, préparé par le jeune chef Guillaume Goupil, maître du piano depuis deux ans : « pâté en croûte, enrichi de foie gras, de cœur de sucrine truffé et de légumes pickles; entrecôte de bœuf argentin rôtie, textures de céleri rave à la noisette, jus corsé; finger chocolat Macaé pur, origine Brésil 62%, en textures et en glace. » Un menu simple, efficace, goûteux pour escorter les vins de Château Lamothe-Bergeron, Cru Bourgeois* du Haut-Médoc, suivi et conseillé depuis dix ans par le consultant Hubert de Boüard, par ailleurs co-propriétaire de Château Angelus.
- Laurent Méry, le directeur de Lamothe-Bergeron et, à droite, Guillaume Goupil, le jeune chef du Baudelaire.
Le groupe de Cognac Hardy et H. Mounier, qui a racheté Lamothe-Bergeron en 2009, a fait d'énormes investissements pour restaurer le vignoble de soixante-sept hectares, ainsi que le château du XIXe siècle, rouvert aux visiteurs depuis 2015. Il offre un remarquable parcours initiatique au monde du vin qui accueille chaque année quelque huit mille visiteurs...
Avant la dégustation des quatre derniers millésimes, un mot sur le prochain. « Ce sera une très grande année, explique Laurent Méry, le directeur du domaine, que je placerais entre les millésimes 2010 et le 2016, peut-être même meilleur encore, il faut encore attendre un peu, mais un millésime de petit rendement, à cause d'une sécheresse persistante. » Rendez-vous l'an prochain, autour du mois de juin, pour une première dégustation...
Pour l'heure, apprécions le 2017, encore en élevage, tiré sur fûts et servi à l'heure de l'apéritif. « Un beau millésime malgré le gel et la grêle et là encore des petits rendements, moins 40% à Lamothe, plus encore dans d'autres domaines, poursuit Laurent Méry, et un assemblage à parts égales de merlot et de cabernet sauvignon, le tout élevé en fûts dont 30% de fûts neufs.» Belle robe soutenue, brillante, nez exotique, encore discrètement marqué par le bois, des fruits rouges, de la noix de coco, une pointe d'épice. Attaque assez ferme sur des tanins déjà ronds, bouche élégante, finale fraîche et suave...
À table ! D'abord le 2016, majoritairement merlot (60%), mis en bouteille il y a quelques semaines. Robe sombre et brillante, joli nez floral, sur des notes de fumé et de baies noirs mûres, une pointe de truffe blanche. Bouche équilibrée après une attaque vive, des notes cacaotées, de la rondeur et de la souplesse... « Il est pourtant dans une phase un peu fermée mais c'est un millésime très prometteur », ajoute Laurent Méry.
Encore plus fermé, voire recroquevillé sur lui-même, le 2015, offre une robe aux reflets violines, un nez sur les petits fruits rouges, des pointes discrètes de roses séchées. Belle matière en bouche, tanins ronds et soyeux, puissance et équilibre... Assemblage différent pour ce millésime « élégant et aérien » : 55% de merlot, 40% de cabernet sauvignon, 5% de petit verdot.
Merlot et cabernet franc à parts égales pour le 2014, servi sur le sublime dessert au chocolat. « Un millésime difficile, confie Laurent Méry, mais au final une divine surprise, avec une vendange de bonne qualité et une grande richesse phénolique, qui donne une complexité aromatique intéressante...» Belle robe sombre, nez riche, mûres, petites baies noires, des notes de tabac. En bouche, du fruit et beaucoup de plaisir, de la rondeur et de la souplesse. Et beaucoup d'élégance... Décidément la marque de Lamothe-Bergeron.
Les petites lampées reviennent bientôt...
. Les vins sont vendus autour de 20/22 euros selon les millésimes.
* Lamothe-Bergeron est depuis 1932, date du classement, un Cru Bourgeois. En 2003, le domaine est retenu dans la catégorie Cru Bourgeois Supérieur, classement annulé en 2007. L'homologation Cru Bourgeois, qui concerne quelque deux-cent soixante propriété sur l'ensemble des appellations, a totalement été revue à partir du millésime 2008 et Lamothe-Bergeron est chaque année retenu dans le classement. À partir de 2020, le classement Cru Bourgeois va revenir à trois niveaux de qualification pour les cinq années suivantes. « Nous visons évidemment le niveau supérieur » a annoncé Laurent Méry.