La future régulation des plantations inquiète les vignerons du Centre-Loire ...
Sancerre. « Si nous n'étions pas entendus, nous pourrions sortir à peu près cinq cents tracteurs et montrer notre détermination... » La menace des vignerons du Centre-Loire est à peine voilée... L'objet de leur courroux ? Le futur système de régulation des plantations adopté à l'échelon européen. Ce qu'ils demandent au gouvernement français, qui doit publier les modalités d'application au niveau national ? « Des outils pour défendre la notoriété et l'originalité des sept appellations du Centre-Loire ». Explications...
Premier sujet d'inquiétude, l'augmentation des surfaces viticoles. Le nouveau dispositif prévoit 1% d'augmentation annuelle maximale de la surface plantée dans chaque état membre. Mais chacun d'eux est autorisé à opter pour un pourcentage moins élevé. Ce que souhaitent les vignerons car, en France, ce 1% représenterait une augmentation des surfaces de 7.550 hectares par an... Ce qui correspond, pour certaines appellations du Centre, à des augmentations de cinq à dix hectares par année. D'où la crainte d'un certain déséquilibre.
Deuxième point de ce nouveau dispositif : la plantation des vignes destinées à la production de vins sans indication géographiques (VSIG), autrefois appelés vins de table, deviendrait possible partout, y compris sur des zones de production des AOC (Appellations d'origine contrôlée) et des IGP (Indication géographique protégée). En clair, si la France appliquait à la lettre ce dispositif, on pourrait planter du pinot noir et du sauvignon sur des terrains non classés en appellation mais situés à proximité de celle-ci. Les vignerons redoutent de voir apparaître une certaine « porosité » entre les vignes situées en appellations et les autres. Ils craignent aussi, à terme, de voir ces vignes destinées aux vins de table revendiquer l'AOC ou l'IGP, dès lors qu'elles respecteraient les cahiers des charges. Ce qui serait un moyen de contourner la régulation stricte mise en place depuis des décennies...
Face à ce nouveau dispositif, la filière viticole française ne parle pas d'une seule voix. Certains régions se disent «ouvertes» à l'autorisation de plantation des VSIG quand d'autres y sont formellement opposées. C'est le cas de la Champagne qui craint une perte de notoriété. Comme le Centre-Loire et pour la même raison.
En effet, les vignobles du Centre-Loire sont organisés depuis toujours sur un modèle inédit qui a fait le choix de la qualité. « Dans le Cher, la Nièvre, l'Indre, la viticulture est basée en grande majorité sur la valorisation des vins AOC (95% des surfaces) explique l'FUVC (Fédération des unions viticoles du Centre). Les AOC du Centre-Loire sont des AOC non hiérarchisées, c'est à dire sans possibilité de repli vers une AOC régionale. Par ailleurs, les vins sont majoritairement produits à partir des cépages pinot noir et sauvignon. Ils représentent 95% des surfaces plantées. Un modèle simple qui a pour objectif de privilégier la qualité et la valorisation plutôt que la quantité. Une stratégie de moyen et long terme accompagnée d'une croissance raisonnée du vignoble - 13% en dix ans ».
Les vignerons du Centre-Loire craignent donc, si le nouveau système est appliqué en l'état, de ne plus pouvoir contrôler la croissance du vignoble régional. Ils redoutent la plantation des vignes destinées à produire d'autres vins à proximité de l'aire avec les mêmes cépages que ceux de l'appellation. En clair, ils ne souhaitent pas que la plantation du sauvignon et du pinot noir soit autorisée hors AOC. Mais ne disent pas non à l'arrivée d'autres cépages destinés à produire des vins qui ne seraient pas directement en concurrence avec ceux des appellations.
Les vignerons des sept vignobles veulent donc peser de tout leur poids dans les négociations en cours. Et demandent que l'État leur fournisse des outils pour protéger la notoriété de leurs vins et pour préserver l'identité du Centre-Loire.
La France obtera-t-elle pour une réglementation prenant en compte les spécialificités de chacune des régions viticoles françaises ? Rien n'est moins sûr. Réponse dans les mois à venir...